lundi 21 janvier 2013

Testament du Roi Louis XVI, rédigé le 25 décembre 1792.

L'Autel Royal : groupe allégorique à l'avènement et au sacre de Louis XVI et à Marie-Antoinette. Louis XVI et Marie-Antoinette couronnés, habillés à la franque, drapés des manteaux royaux, unissant leurs mains sur un globe fleurdelysé reposant sur un petit autel portant l'inscription en lettres dorées " Au bonheur public ". Socle décoré des initiales de Louis XVI, de l'aigle d'Autriche, de fleurs de lys radiées et de guirlandes et portant deux cornes d'abondance. D'après Simon Louis Boizot (1743-1809). Biscuit en céramique, réalisé en 1775, de la manufacture de Sèvres. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (hauteur : 0,420 m ; n° d'inventaire : MV7783).

"Aujourd'hui vingt-cinquième jour de décembre mil sept cent quatre-vingt-douze, moi, Louis XVI du nom, Roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple, à Paris, par ceux qui étoient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le 11 du courant, avec ma famille ; de plus, impliqué dans un procès dont il est impossible de prévoir l'issue, à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m'adresser : je déclare ici, en sa présence, mes dernières volontés et mes sentimens. 

Je laisse mon âme à Dieu mon créateur ; je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de notre Seigneur Jésus-Christ qui s'est offert en sacrifice à Dieu son père pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.
Je meurs dans l'union de notre sainte mère l'église catholique, apostolique et romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de saint Pierre, auquel Jesus-Christ les avoit confiés.
Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le symhole et les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les sacremens et les mystères, tels que l'église catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n'ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d'expliquer les dogmes qui déchirent l'église de Jésus-Christ, mais je m'en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs ecclésiastiques, unis à la sainte église catholique, donnent et donneront conformément à la discipline de l'Eglise, suivie depuis Jésus-Christ.
Je plains de tout mon cœur nos frères qui peuvent être dans l'erreur ; mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins en Jésus-Christ, suivant ce que la charité chrétienne nous enseigne. Je prie Dieu de me pardonner tons mes péchés; j'ai cherché à les connoître scrupuleusement, à les délester, et à m'humilier en sa présence. Ne pouvant me servir du ministère d'un prêtre catholique, je prie Dieu de recevoir, la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j'ai d'avoir mis mon nom (quoique cela fût contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l'église catholique, à laquelle j'ai toujours été sincèrement uni de cœur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s'il m'accorde vie, de me servir, aussitôt que je le pourrai, du ministère d'un prêtre catholique, pour m'accuser de tous mes péchés, et recevoir le sacrement de pénitence.

Projet d'un monument à élever à Louis XVI à Paris. Sur l'initiative de De Varenne, huissier d'honneur de l'Assemblée nationale en 1790. Estampe en couleur de Jean François Janinet (1752-1814), d'après Jean-Michel Moreau Jean Michel, le Jeune (1741-1814). Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (Hauteur : 0,430 m ; Longueur : 0,360 m. N° d'inventaire : invgravures666).

Je prie tous ceux que je pourrois avoir offensés par inadvertance car je ne me rappelle d'avoir fait sciemment aucune offense à personne, ou ceux à qui j'aurois pu avoir donné de mauvais exemples ou
des scandales, de me pardonner le mal qu'ils croient que je peux leur avoir fait : je prie tous ceux qui ont de la charité d'unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.
Je pardonne de tout mon cœur à ceux qui se sont faits mes ennenis, sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner de même qu'à ceux qui par un faux zèle ou par un zèle mal entendu , m'ont fait beaucoup de mal.
Je recommande à Dieu ma femme et mes enfans, ma sœur, mes tantes, mes frères et tous ceux qui me sont attachés par le lien du sang ou par quelqu'autre manière que ce puisse être ; je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfans et ma sœur, qui souffrent depuis long-temps avec moi, de les soutenir par sa grâce, s'ils viennent à me perdre, et tant qu'ils resteront dans ce monde périssable.
Je recommande mes enfans à ma femme ; je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d'en faire de bons chrétiens et d'honnêtes hommes, de ne leur faire regarder les grandeurs de ce monde-ci (s'ils sont condamnés à les éprouver), que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l'éternité ; je prie ma sœur de vouloir continuer sa tendresse à mes enfans et de leur tenir lieu de mère, s'ils avoient le malheur de perdre la leur.
Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrois lui avoir donnés dans le cours de notre union ; comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle, si elle croyoit avoir quelque chose à se reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfans, après ce qu'ils doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissans à leur mère, et reconnoissans de tous les soins et les peines qu'elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma sœur comme une seconde mère.
Je recommande à mon fils, s'il avoit le malheur de devenir Roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens ; qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément ce qui a rapport aux malheurs et chagrins que j'éprouve ; qu'il ne peut faire le bonheur des peuples, qu'en régnant suivant les lois, mais en même temps qu'un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son cœur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire, et qu'autrement étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile.
Je recommande à mon fils d'avoir soin de toutes les personnes qui m'étoient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés ; de songer que c'est une dette sacrée que j'ai contractée envers les enfans ou les parens de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi. 

Louis XVI, roi de France et de Navarre (1754-1793) entouré des figures assises de la Justice, de la Piété, de la Bienfaisance et de la Modération. Sculpture en marbre et en plâtre de Jean-Pierre Cortot (1787-1843). Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (Hauteur : 4,700 m ;  Longueur : 2,240 m ; Profondeur : 2.240 m. N° d'inventaire : MV1355).

Je sais qu'il y a plusieurs personnes de celles qui m'étoient attachées qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devoient, et qui ont même montré de l'ingratitude, mais je leur pardonne (souvent dans les momens de trouble et d'effervescence, on n'est pas le maître de soi), et je prie mon fils, s'il en trouve l'occasion, de ne songer qu'à leur malheur.
Je voudrois pouvoir témoigner ici ma reconnoissance à ceux qui m'ont montré un attachement véritable et désintéressé ; d'un côté, si été j'ai sensiblement touché de l'ingratitude et de la déloyauté des gens à qui je n'avois jamais témoigné que des bontés, à eux ou à leurs parens ou amis ; de l'autre, j'ai eu de la consolation à voir l'attachement et 1'intérêt gratuit que beaucoup de personnes m'ont montré ; je les prie d'en recevoir tous mes remercîmens. Dans la situation où sont encore les choses, je craindrois de les comprometre si je parlois plus explicitement ; mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnoître.
Je croirois calomnier cependant les sentimens de la nation, si je ne recommandois ouvertement à mon fils MM. de Chamilly et Huë, que leur véritable attachement pour moi avoit portés à s'enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Clery, des soins duquel j'ai eu tout lieu de me louer depuis qu'il est avec moi ; comme c'est lui qui est
resté avec moi jusqu'à la fin, je prie messieurs de la commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse, et les autres petits effets qui ont été déposés au conseil de la commune.
Je pardonne encore très-volontiers à ceux qui me gardoient les mauvais traitemens et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi ; j'ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes ; que celles-là jouissent de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser !
Je prie MM. de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de recevoir ici tous mes remercîmens, et l'expression de ma sensibilité, pour tous les soins qu'ils se sont donnés pour moi.
Je finis en déclarant devant Dieu, et prêt à paroître devant lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi.
Fait double à la tour du Temple, le vingt-cinq décembre mil sept cent quatre-vingt-douze.

Signé LOUIS."

Source : Testament de notre bon roi Louis XVI (25 décembre 1792),  de l'imprimerie de Mame frères, rue du Pôt-de-Fer , n°14.

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