vendredi 4 mai 2012

Maurice Gigost d'Elbée et le soulèvement paysan et populaire contre les armées de la République.

"Dans cette Vendée tranquille et lointaine, les échos des fureurs révolutionnaires, de la guerre, le fracas de la chute du trône et de l'exécution du roi, tout cela commençait à troubler les âmes et les esprits des paysans et des nobles, toujours lents à s'émouvoir. Parmi eux, paisible entre les paisibles, Maurice d'Elbée continue de vivre, avec son épouse très chère, sa vie sans histoire de gentilhomme campagnard. Bien sûr, il déplore les évènements - et il pleure le roi. Mais que faire ? Cet ancien lieutenant aux armées, qui est pourvu de quelque science militaire, n'imagine pas qu'un soulèvement soit possible contre les Républicains qui possèdent les meilleurs troupes du monde. A cette époque, d'Elbée nous est décrit comme "un homme de taille moyenne, mince, le teint brun, les yeux vifs et enfoncés qui ajoutaient encore à la gravité d'une physionomie naturellement sombre et sévère : le ton de sa voix était bas et même rauque..."

Maurice Gigost d'Elbée (1752-1794), par Paulin Guérin, début XIXe siècle, Musée d'art et d'histoire de Cholet.

Nous voici au 12 mars 1793. Au début de l'année 1791, le ménage d'Elbée a perdu un enfant. Or Madame d'Elbée arrive au terme d'une nouvelle grossesse et, malgré les difficultés de l'heure, tout se passe bien. Marguerite donne un fils à Maurice : quelle joie pour cet homme qui va fêter ses 41 ans dans quelques jours... Un fils !
D'Elbée protégeant les prisonniers républicains après la bataille de Chemillé, par Marie Felix Edmond de Boislecomte, XIXe siècle, Musée d'Histoire et des Guerres de Vendée Cholet, France.

Cependant, en Vendée, de toutes parts les révoltent éclatent ; elles n'épargnent pas la région de La Loge. On dit que Jacques Cathelineau a pris la tête d'un groupe de paysans armés - que Stofflet, garde-chasse, en a fait autant - que telles villes de la contrée sont déjà prises par les Vendéens révoltés. Et voilà que plus de deux mille paysans, dans une rumeur de cris rythmés par l'étrange claquement de sabots - des hommes armés de piques, de faux et de quelques fusils - parviennent devant La Loge, poussent la barrière, appellent violemment "Monsieur d'Elbée... Monsieur d'Elbée" ! Ils veulent tout simplement que d'Elbée prenne leur tête, pour chasser les Républicains de Vendée. Maurice d'Elbée les raisonne : "Comment et avec quoi pourrions-nous résister aux soldats de la République, aux troupes de ligne ?" Ils insistent, et le lendemain, d'Elbée cède.

Mort du général D'Elbée, par Le Blant, XIXe siècle, Musée de Noirmoutier.

Il en ira de même pour les autres grands chefs vendéens qui vont soulever l'Ouest : ce n'est pas d'eux que vient le mouvement de révolte. Il vient de ces paysans qui n'ont guère que leur faux en main. Donc, et ce trait est essentiel, il s'agit ici d'un soulèvement paysan et populaire, dont les animateurs sont allés "dénicher" leurs "bons nobles" pour qu'ils se mettent à leur tête."

Source : Préface de Michel de Saint Pierre in Jean Epois, D'Elbée ou l'Epiphanie sanglante, les éditions du Choletais, 1984, pp. IV-V.