jeudi 19 avril 2012

Bazire et Soulaigre, valets de chambre du roi, restent interdits par l'air imposant de Louis XIV, auprès de qui ils venaient en réclamation.

"Louis XIV était fort bon pour ses serviteurs intimes, mais aussitôt qu'il prenait son attitude de souverain, les gens les plus accoutumés à le voir dans ses habitudes privées étaient aussi intimidés que si pour la première fois de leur vie, ils paraissaient en sa présence. Des membres de la maison civile de Sa Majesté, appelés alors commensalité, jouissant du titre d'écuyers et des privilèges attachés aux officiers de la maison du roi, eurent à réclamer quelques prérogatives dont le corps de ville de Saint-Germain où ils résidaient leur contestait l'exercice. Réunis en assez grand nombre dans cette ville, ils obtinrent l'agrément du ministre de la maison pour envoyer une députation au roi et choisirent parmi eux deux valets de chambre de Sa Majesté, nommés Bazire et Soulaigre. Le lever du roi fini, on appelle la députation des habitants de la ville de Saint-Germain ; ils entrent avec confiance, le roi les regarde et prend son attitude imposante. Bazire, l'un de ces valets de chambre, devait parler mais Louis le Grand le regarde. Il ne voit plus en lui le prince qu'il sert habituellement dans son intérieur ; il s'intimide, la parole lui manque : il se remet cependant et débute comme de raison par le mot Sire. Mais s'intimide de nouveau et, ne trouvant plus dans sa mémoire la moindre des choses qu'il avait à dire, il répète encore deux ou trois fois le même mot, puis termine en disant "Sire, voilà Soulaigre." Soulaigre, mécontent de Bazire et se flattant de se mieux acquitter de son discours, prend la parole. Sire est répété de même plusieurs fois ; son trouble égale celui de son camarade et il finit par dire : "Sire, voilà Bazire." Le roi sourit et leur répondit : "Messieurs, je connais le motif qui vous amène en députation près de moi, j'y ferai raison et je suis très satisfait de la manière dont vous avez rempli votre mission de députés.""

Portrait de Louis XIV et sa famille, vers 1710, par Nicolas de Largillierre (1656-1746), Wallace Collection, London.

Source : Mémoires de Madame Campan, Première femme de chambre de Marie-Antoinette, éd. Mercure de France, coll. Le Temps retrouvé, (1988) 2003, pp. 450-452.

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