mardi 13 novembre 2012

Louis-Philippe d'Orléans, Lieutenant général du royaume, et l'exil du Roi Charles X.

"La retraite vers les provinces fidèles était la dernière carte de Charles X. Depuis la signature des Ordonnances dont la constitutionnalité ne faisait pour lui aucun doute, car fondées sur l'article 14 de la Charte, le roi avait laissé passer toutes les occasions de sortir vainqueur de l'insurrection parisienne. Tant que les troupes se trouvaient à Paris, Charles X était en position de force pour négocier. Le 30 juillet, les troupes avaient évacué Paris, mais elles isolaient la capitale et les renforts en provenance du camp de Saint-Omer et de Lunéville étaient en marche. L'armée restait fidèle dans les départements, et, à Saint-Cloud, Charles X était entouré de douze mille hommes de sa Garde. Mais le roi répugnait aux solutions de force : après l'échec de la mission du duc de Mortemart, il se retira sur Versailles le 31 juillet, puis à Rambouillet le 1er août. Charles X voulait sans doute, en s'éloignant de Paris, apaiser les esprits et montrer sa volonté de conciliation.

Horace Vernet (1789–1863), Portrait de Charles X (1757-1836) Roi de France et de Navarre, huile sur toile.

Ces retraits successifs furent interprétés par les insurgés comme un aveu de faiblesse. Ils permirent à l'intrigue orléaniste de se développer tout à son aise. L'exemple de l'Angleterre entraînait tous les esprits : depuis janvier 1830, Thiers et Mignet faisaient, dans le National l'apologie de la révolution anglaise de 1688 ; une proclamation, appelant le duc d'Orléans au trône, et rédigée par Thiers, avait paru le 30 juillet dans les organes de l'opposition, le Courrier, le Commerce et le National. Le même jour, les députés de l'opposition libérale, effrayés par la république, poussé par Lafitte, Odilon Barrot, Casimir Périer, offrirent au duc d'Orléans les fonctions de Lieutenant général du royaume. Et pourtant, dès le 31 juillet, le duc d'Orléans montrait qu'il ne s'en satisferait pas, qu'il visait la couronne.
Charles X allait tenir lui-même l'étrier pour son cousin. Dans la nuit du 1er août, à Rambouillet, le roi se résigna à abdiquer. Il entérina d'abord la nomination du duc d'Orléans, lieutenant général du royaume :

"Le Roi, voulant mettre fin aux troubles qui existent dans la capitale et dans une partie de la France, comptant d'ailleurs sur le sincère attachement de son cousin le Duc d'Orléans, le nomme lieutenant général du royaume.
Le Roi, ayant jugé convenable de retirer ces ordonnances du 25 juillet, approuve que les Chambres se réunissent le 3 août, et il veut espérer qu'elles rétabliront la tranquillité en France...
Fait à Rambouillet, le 1er août 1830.
Charles".

Horace Vernet (1789-1863), Louis-Philippe, duc d’Orléans, nommé lieutenant général du royaume, quitte à cheval le Palais Royal Pour se rendre à l’hôtel de ville de Paris, le 31 juillet 1830, 1832. Huile sur toile - 215 x 261 cm.Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon. Photo : RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot.


L'acte d'abdication proprement dit était contenu dans une lettre de Charles X au duc d'Orléans :

"Mon cousin,
Je suis trop profondément pénétré des maux qui affligent et pourraient menacer mes peuples pour n'avoir pas cherché un moyen de les prévenir. J'ai donc pris la résolution d'abdiquer la couronne en faveur de mon petit-fils le duc de Bordeaux.
Le Dauphin qui partage mes sentiments, renonce lui-aussi à ses droits en faveur de son neveu.
Vous aurez, en votre qualité de lieutenant général du royaume à faire proclamer l'avènement de Henri V à la couronne. Vous prendrez d'ailleurs toutes les mesures qui vous concernent pour régler les formes du nouveau gouvernement pendant la minorité du nouveau roi...
Vous communiquerez mes intentions au corps diplomatique et vous ferez connaître le plus tôt possible la proclamtion par laquelle mon petit-fils sera reconnu sous le nom de Henri V...
Signé : Charles, Louis-Antoine".

Lorsque le duc d'Orléans recevra ces deux lettres des mains du général de Latour-Foissac, le sort de la royauté légitime en France allait se décider. En acceptant une passation de pouvoir régulière, l'abdication de Charles X, la reconnaissance par les Chambres de l'avènement d'Henri V, et la régence du duc d'Orléans, la légitimité dynastique était respectée. Le choix du duc d'Orléans, le 2 août, de fonder une royauté nouvelle posa la première pierre du parti légitimiste.
En droit monarchique, rien n'autorisait le duc d'Orléans à porter la couronne ; il violait l'ordre de succession au trône de France établi selon les anciennes lois fondamentales et reconnu par la Charte. Sa position légitime et légale en tant que lieutenant général du royaume, perdait ces caractères en s'attribuant la royauté auxquels s'ajoutait le malaise de la situation. Le duc d'Orléans se retranchait derrière la nécessité, son principal argument avec la peur de l'anarchie, état provisoire qui ne pourrait fonder un pouvoir durable. La Monarchie de Juillet est né d'une occasion, une circonstance entraînera sa disparition.
Louis-Philippe d'Orléans allait très vite lever le masque. Il refusa d'abord d'accepter le duc de Bordeaux ; puis le 3 août, devant les restes de la Chambre des députés et de la pairie réunies1, le lieutenant général du royaume prononça un discours où il mentionna les abdications de Charles X et du duc d'Angoulême, mais ne dit mot des droits du duc de Bordeaux. La présence de la famille royale à Rambouillet entourée d'une garde encore nombreuse et fidèle pouvait être un obstacle, on lança l'émeute parisienne sur Rambouillet et l'intimidation qui avait si souvent réussi avec Louis XVI, triompha encore avec Charles X. Il ne restait plus pour la branche aînée que la route de l'exil."

1. Sur 430 députés, 240 seulement étaient présents ; il y avait soixante pairs sur 364 (A. Nettement, Histoire de la Restauration, 1860-1868, Tome 8, p.713)


Source : Hugues de Changy, Le soulèvement de la duchesse de Berry 1832, éd. D.U.C.-Albatros, Paris, 1986, p.17-20.



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