dimanche 11 mai 2014

Le groupe représentant le Prince impérail et son chien Néro par le sculpteur Carpeaux.

Buste du jeune Prince impérial, d'après Jean-Baptiste Carpeaux (n° d'inventaire : 2010.0.673. Musée du château de Blois).


"Le printemps de 1865 va laisser au Prince un souvenir exceptionnel. Tandis que Napoléon III effectue seul, en Algérie, un voyage que l'opinion qualifiera, à juste titre, de "conquête pacifique", tant l'accueil des tribus ralliées est enthousiaste et chaleureux, l'Impératrice exerce une nouvelle fois la régence. Désireuse de faire à l'Empereur une surprise pour son retour, elle commande à Carpeaux la statue du Prince. Presque quadragénaire, le sculpteur a conquis, péniblement, une gloire très méritée.
L'Impératrice l'a invité à Compiègne pour une des séries de 1864, au cours de laquelle il a vainement essayé d'obtenir d'elle quelques séances de pose. Rageur, il s'est écrié : "Mais pourquoi donc m'a-t-on fait venir ici ?" et il a griffonné des croquis rapides de la souveraine sur des morceaux de papier qu'il tirait de ses poches, chaque fois qu'il le pouvait, même à table, durant les repas, dans la salle à manger impériale. Quelques mois après, dans l'orangerie du bord de l'eau où Louis vient chaque jour poser pendant deux heures, l'artiste, en pleine possession de son talent, s'attaque à la statue avec une fougue passionnée. Après un buste nu, saisissant de vérité et de vie, qu'il modèle à titre d'ébauche, il conçoit le groupe charmant du Prince avec son chien. Les premiers témoignages d'estime et d'admiration qu'il reçoit le comblent. "L'Impératrice est venue hier me visiter avec une suite nombreuse, écrit-il à son ami Chérier, mon succès est définitif et les bravos m'ont rempli de joie." Et quelques jours plus tard, encore : "L'Impératrice est enchantée du buste du Prince et de la statue... J'en pleure de joie."
Durant les séances de pose, la curiosité naturelle de Louis l'amène à questionner Carpeaux sur son art. Il n'a de cesse qu'on lui mette entre les mains de la terre glaise qu'il puisse travailler lui-même. "Votre favori le Prince impérial, écrit Mérimée à Panizzi, que vous ne reconnaîtriez pas, tant il est grandi et formé, a les dispositions les plus extraordinaire pour la sculpture. Un artiste nommé Carpeaux qui a beaucoup de talent a fait son portrait ; lorsque le Prince l'a vu pétrir de la terre glaise, il a naturellement eu envie de mettre la main à la pâte, et a fait un portrait de son père, qui est atrocement ressemblant ; mais bien que ce soit gâché comme un bonhomme en mie de pain, l'observation des proportions est extraordinaire... Mais le plus extraordinaire c'est le portrait de son précepteur, M. Monnier, que vous aimez tant. Je vous jure que vous le reconnaîtriez d'un bout de la cour du British Museum à l'autre. Ce ne sont pas seulement ses traits, c'est même son expression. Tout le génie de l'homme se révèle dans ses yeux, son nez et ses moustaches. Je suis sûr qu'il y a peu de sculpteurs de profession qui pourraient en faire autant." "Quel dommage, dira de son côté la princesse de Metternich, s'il n'avait pas un père empereur, ce petit aurait pu devenir quelque chose."

Le Prince Impérial et son chien Néro, épreuve en plâtre de Jean-Baptiste Carpeaux
(n° d'inventaire : S.90.117. Musée des Beaux-Arts de Valenciennes).


Carpeaux à représenté le Prince dans son costume habituel de velours, culottes bouffantes, petite veste droite ouvrant sur un gilet, cravate nouée négligemment, tenant par le cou son braque Nero qui lève vers son jeune maître un museau attentif, dans une attitude de confiance et d'abandon. Exposée au Salon de 1866, l'épreuve en plâtre recueille tous les suffrages, tant du public que de la critique, unanime à louer cette réussite d'élégance et de simplicité.
Tandis que Carpeaux exécute une copie du groupe en marbre, des reproductions de taille réduite, en bronze, sont fondues sous sa direction, notamment par le célèbre Barbedienne, et la Manufacture impériale de Sèvres en édite un petit modèle en biscuit qui aura beaucoup de succès. L'administration républicaine, longtemps après la chute de l'Empire, continuera à le vendre en le baptisant hypocritement "L'enfant au chien"."

Source : Jean-Claude Lachnitt, Le Prince impérial "Napoléon IV", éd. Perrin, 1997, p.80-82.

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