lundi 5 mars 2012

Les mots "L'Etat, c'est moi !" ne furent jamais prononcés par Louis XIV.

" En 1654 on avait consommé d’avance les revenus des années 1655 et 1656. Les bailleurs des fonds, devenus timorés, se souvenaient de la banqueroute partielle de 1648. On ne parvenait plus à payer les soldats de la maison du roi. En 1655 et 1658 les armées durent suspendre leurs opérations dans l’attente d’argent frais collecté. Sans les financiers et les traitants,sans les manutentionnaires, qu’aurait valu le génie de Turenne ? Une troupe non payée se débande.

La Fronde, dira-t-on avait eu au moins le mérite d'éradiquer toute velléité de résistance du Parlement. Eh bien, pas du tout ! Forts de leur indépendance, les magistrats profitèrent de la situation pour relever la tête.Afin d'assurer de nouvelles rentrées fiscales le pouvoir avait inventé des taxes sur les actes de baptême et d'enterrement, les parchemins et les papiers marqués ; il avait créé 46 nouveaux offices de secrétaires offices de secrétaires du roi. Au total, 17 édits bursaux avaient été présentés à la signature de Louis XIV qui, pour briser la grogne prévisible du Parlement,s'était rendu au palais avec son chancelier le 20 mars 1655 et les avait fait enregistrer par lit de justice.

 Le buste de Louis XIV (1665), réalisé par Gian Lorenzo Bernini (1598-1680), dans le Salon de Diane au Château de Versailles. Sculpture sur marbre blanc (105cm x 99cm x 46cm).

Mais, dès le lendemain, l'agitation s'empara des esprits. Les jeunes conseillers de la Chambre des enquêtes - toujours les mêmes - réclamèrent la tenue d'une nouvelle assemblée afin de réexaminer, en l'absence du roi et par conséquent en toute liberté de suffrage, les édits « pour voir s'ils étaient conformes à la justice ». Une première réunion se tint au début d'avril, à la grande colère de Louis XIV, qui y vit, à juste titre, une intolérable atteinte à son autorité. Le 13 avril, il chassait à Vincennes lorsqu'il apprit que le Parlement allait à nouveau s'assembler. Rentrant aussitôt, il décida de tenir le jour même un lit de justice. Il fit annoncer sa venue aux magistrats par ses capitaines des gardes et ne se donna pas la peine de changer de costume : justaucorps rouge, grosses bottes, chapeau gris sur la tête. Précédé de M. de Rhodes, grand maître des cérémonies, du chancelier, des ducs et pairs, des maréchaux de France, le roi cependant respecta les formes :il fit d'abord ses dévotions à la Sainte-Chapelle avant de pénétrer dans la Grand-Chambre. Là, il s’assit et d’un « air sévère et hautain » déclara : « Messieurs, chacun sait les malheurs qu’ont produits les assemblées du Parlement. Je veux les prévenir et que l’on cesse celles qui sont commencées sur les édits que j’ai apportés, lesquels je veux être exécutés.Monsieur le premier président, je vous défends de souffrir aucunes assemblées,et à pas un de vous de les demander. »1 Puis il se leva et, laissant ces messieurs abasourdis, s’en revint au Louvre.

La fermeté de ton surprit tellement que la légende, bientôt, s’empara de cette scène et en crayonna une image d'Épinal aussi fausse que ridicule. Combien de récits décrivent Louis XIV, un fouet à la main, venant dompter le Parlement en lui déclarant : « L'État, c’est moi ! » En fait, jamais de sa vie le roi ne prononcera cette parole prétendue historique. "

1 : C'est le texte officiel qui figure dans les registres du Parlement (François Bluche, Louis XIV vous parle, Paris, 1988, p.35). Ce texte est assez voisin de celui donné par l'auteur anonyme du Journal d'un bourgeois de Paris pendant la Fronde (Bib. Nat. Ms franç. 10 275, p.328).

 Source : Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, éd. Perrin, coll. Tempus, Paris, 2002, pp.164-165.

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