" Marie de Rohan [duchesse de Luynes, qui
deviendra la célèbre duchesse de Chevreuse, nom sous lequel l’Histoire
se souviendra d’elle] est une jolie brune gaie, vive, à laquelle les
hommes ne résistent pas. Vers l’été de 1620, le roi [Louis XIII] semble
tomber sous son charme. Ayant découvert tardivement le chemin des dames,
le jeune Louis XIII serait-il tenté par une carrière de séducteur,
comme l’avait été son père et comme le sera son fils ? Nous savons que
non, mais cette année-là, on s’inquiète. L’ambassadeur d’Espagne envoie
une lettre à son maître Philippe III qui résume bien la situation : «
Après les nombreuses preuves d’amour que lui a manifestées son mari
pendant sa maladie, un grand froid est apparu ; et chaque jour voit se
multiplier les […] conversations et visites du roi à la duchesse de
Luynes. Bien que la reine [Anne d’Autriche] le ressente de manière
aiguë, elle le dissimule avec une grande prudence et prodigue à la
duchesse comme à son mari toutes sortes de faveurs et de caresse. »
Hélas, le roi n’a pas de chance avec les femmes. Il ennuie la duchesse
de Luynes qui préfère des amants plus entreprenants et se sent plus
proche de la reine. Et Anne commence à apprécier cette jeune femme
pétillante et insouciante qui la divertit, la fait rire et ne songe qu’à
s’amuser. Les deux femmes deviennent amies, complices. Autour de la
reine l’ambiance change, elle est maintenant entourée par une petite
compagnie de jeunes femmes proches de son âge qui partagent ses goûts et
sa légèreté. Protégée par l’amitié de la reine, Marie de Luynes affiche
sa liaison avec le duc de Chevreuse qui scandalise une partie de la
Cour. En décembre 1621, le duc de Luynes meurt de la fièvre scarlatine.
Le roi se réconcilie avec sa mère, Marie de Médicis, qui revient à la
Cour. Il est maintenant tiraillé entre sa femme et sa mère, qui ne
s’apprécient guère, et prend en grippe la veuve de Luynes qu’il voudrait
voir quitter la Cour. Anne ne veut pas se séparer de son amie.
Heureusement, avant que les choses ne s’enveniment, la reine tombe enfin
enceinte. Une brise d’allégresse souffle sur le Louvre. Louis ne peut
rien lui refuser. Tout se passe sans anicroche jusqu’à la mi-mars.
Portrait d'Anne d'Autriche (1601-1666), par Rubens, 1625.
Le
soir du 14, la princesse de Conti, qui fait partie de la compagnie de
jeunes femmes entourant Anne, donne une grande soirée dans ses
appartements au Louvre. La reine y assiste avec ses amies dont bien
évidemment la plus intime, la belle Marie de Rohan, toute jeune veuve de
Luynes. Quand la reine décide de regagner ses appartements dans une
autre aile du château, Marie l’accompagne avec Mlle de Verneuil. Au
moment de passer la grande salle du trône, Marie, très enjouée ce
soir-là, suggère de la traverser en courant. Mlle de Verneuil est
enthousiaste, Anne beaucoup moins. Qu’à cela ne tienne ! Les deux jeunes
femmes la prennent chacune par le bras et l’entraînent dans leur
course. La salle est peu éclairée, la reine ne voit pas le bout de
l’estrade sur laquelle est installé le trône, elle trébuche et tombe.
Rien ne permet d’affirmer que la chute en est responsable, il ne s’agit
peut-être que d’une coïncidence, mais deux jours après cet accident, la
reine fait une fausse couche. Le docteur Hérouard note dans son Journal
que l’embryon de sexe masculin avait une quarantaine de jours. La
déception est à la hauteur des espoirs que cette grossesse avait
provoqués.
Louis XIII apprend
la nouvelle à Orléans. Il entre dans une colère violente. Il chasse de
la Cour les amies de la reine, et tout particulièrement Marie de Rohan.
Jamais il ne pardonnera à Anne et à Marie cet accident. Si on avait pu
croire qu’un semblant d’intimité pouvait exister entre Louis et Anne, il
n’en sera plus jamais question. Mars 1622 marque un tournant dans la
vie du couple royal : Louis XIII n’aura plus jamais confiance en sa
femme ! "
Source : Alain-Gilles Minella, Pour l’amour de l’enfant roi, éd. Perrin, Paris, 2008, pp.162 à 164.
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