lundi 5 mars 2012

Louis XIII et Anne d’Autriche : un malheur permit la naissance en 1638 de Louis Dieudonné (Louis XIV).

" Marie de Rohan [duchesse de Luynes, qui deviendra la célèbre duchesse de Chevreuse, nom sous lequel l’Histoire se souviendra d’elle] est une jolie brune gaie, vive, à laquelle les hommes ne résistent pas. Vers l’été de 1620, le roi [Louis XIII] semble tomber sous son charme. Ayant découvert tardivement le chemin des dames, le jeune Louis XIII serait-il tenté par une carrière de séducteur, comme l’avait été son père et comme le sera son fils ? Nous savons que non, mais cette année-là, on s’inquiète. L’ambassadeur d’Espagne envoie une lettre à son maître Philippe III qui résume bien la situation : « Après les nombreuses preuves d’amour que lui a manifestées son mari pendant sa maladie, un grand froid est apparu ; et chaque jour voit se multiplier les […] conversations et visites du roi à la duchesse de Luynes. Bien que la reine [Anne d’Autriche] le ressente de manière aiguë, elle le dissimule avec une grande prudence et prodigue à la duchesse comme à son mari toutes sortes de faveurs et de caresse. » Hélas, le roi n’a pas de chance avec les femmes. Il ennuie la duchesse de Luynes qui préfère des amants plus entreprenants et se sent plus proche de la reine. Et Anne commence à apprécier cette jeune femme pétillante et insouciante qui la divertit, la fait rire et ne songe qu’à s’amuser. Les deux femmes deviennent amies, complices. Autour de la reine l’ambiance change, elle est maintenant entourée par une petite compagnie de jeunes femmes proches de son âge qui partagent ses goûts et sa légèreté. Protégée par l’amitié de la reine, Marie de Luynes affiche sa liaison avec le duc de Chevreuse qui scandalise une partie de la Cour. En décembre 1621, le duc de Luynes meurt de la fièvre scarlatine. Le roi se réconcilie avec sa mère, Marie de Médicis, qui revient à la Cour. Il est maintenant tiraillé entre sa femme et sa mère, qui ne s’apprécient guère, et prend en grippe la veuve de Luynes qu’il voudrait voir quitter la Cour. Anne ne veut pas se séparer de son amie. Heureusement, avant que les choses ne s’enveniment, la reine tombe enfin enceinte. Une brise d’allégresse souffle sur le Louvre. Louis ne peut rien lui refuser. Tout se passe sans anicroche jusqu’à la mi-mars.

 Portrait d'Anne d'Autriche (1601-1666), par Rubens, 1625.

Le soir du 14, la princesse de Conti, qui fait partie de la compagnie de jeunes femmes entourant Anne, donne une grande soirée dans ses appartements au Louvre. La reine y assiste avec ses amies dont bien évidemment la plus intime, la belle Marie de Rohan, toute jeune veuve de Luynes. Quand la reine décide de regagner ses appartements dans une autre aile du château, Marie l’accompagne avec Mlle de Verneuil. Au moment de passer la grande salle du trône, Marie, très enjouée ce soir-là, suggère de la traverser en courant. Mlle de Verneuil est enthousiaste, Anne beaucoup moins. Qu’à cela ne tienne ! Les deux jeunes femmes la prennent chacune par le bras et l’entraînent dans leur course. La salle est peu éclairée, la reine ne voit pas le bout de l’estrade sur laquelle est installé le trône, elle trébuche et tombe. Rien ne permet d’affirmer que la chute en est responsable, il ne s’agit peut-être que d’une coïncidence, mais deux jours après cet accident, la reine fait une fausse couche. Le docteur Hérouard note dans son Journal que l’embryon de sexe masculin avait une quarantaine de jours. La déception est à la hauteur des espoirs que cette grossesse avait provoqués.

Louis XIII apprend la nouvelle à Orléans. Il entre dans une colère violente. Il chasse de la Cour les amies de la reine, et tout particulièrement Marie de Rohan. Jamais il ne pardonnera à Anne et à Marie cet accident. Si on avait pu croire qu’un semblant d’intimité pouvait exister entre Louis et Anne, il n’en sera plus jamais question. Mars 1622 marque un tournant dans la vie du couple royal : Louis XIII n’aura plus jamais confiance en sa femme ! "

Source : Alain-Gilles Minella, Pour l’amour de l’enfant roi, éd. Perrin, Paris, 2008, pp.162 à 164.

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