dimanche 9 décembre 2012

Le duc de Penthièvre, fils du comte de Toulouse légitimé par Louis XIV, vu par le comte Beugnot en 1785.

Jacques Claude, comte Beugnot (1761-1835), portrait daté de 1820, extrait de la Biographie pittoresque des députés, Paris, 1820.

"Quelques jours après, Mme de La Motte me propose de l'accompagner dans une visite qu'elle va faire à M. le duc de Penthièvre, qui se trouvait alors à Châteauvillain. [...] je lui fais observer que n'ayant aucun titre à être reçu du prince, ni rien à lui demander, je ne veux pas subir le dîner de son gentilhomme d'honneur, ni même le café de Son Altesse. Il faut que j'ajoute, pour l'intelligence de ce que je viens de dire, que, dans aucune des maisons des princes du sang, l'étiquette n'était plus scrupuleusement gardée que chez M. le duc de Penthièvre. Son humilité toute chrétienne ne dépassait pas le sanctuaire. Mme de Maintenon avait profondément inculqué au duc de du Maine qu'il devait être d'autant plus sévère à se faire rendre ce qui lui était dû comme prince du sang qu'il pourrait trouver disposés à se mettre à l'aise sur ce point ceux qui s'obstineraient à faire quelque différence entre un prince légitime et un prince légitimé.


Portrait de Louis Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725-1793), huile sur toile, 146 × 114 cm, localisation inconnue.

La tradition des leçons de la royale institutrice s'était gardée dans cette branche détournée de la famille de Louis XIV. Elle n'était pas encore perdue pour la vertueuse famille de M. le duc de Penthièvre, qui, facile dans le commerce de la vie, n'en affectait pas moins sur certains points des prétentions exagérées, sans vouloir reconnaître qu'elles n'étaient plus du tout de saison. Lorsqu'on se présentait à Châteauvillain, le matin, pour faire sa cour, on sollicitait cet honneur par un des gentilshommes du prince, et il était accordé pour le même jour, au sortir de la messe. Le prince accueillait avec une égale et douce bonté tous ceux qui lui étaient présentés.
Les nobles étaient invités à dîner avec lui, les autres chez son gentilhomme. MM. du Hausier et de Florian [l'auteur des Fables], qui en remplissaient tour à tour les fonctions, étaient deux modèles de la plus gracieuse urbanité. Après le dîner du premier gentilhomme, on proposait ou de prendre le café chez lui ou d'aller le prendre avec le prince. On passait au salon, où se trouvaient, en force et le ton haut, ceux qui avaient eu l'honneur de dîner avec Son Altesse. Ils ne manquaient pas de saluer les arrivants avec une complaisance pleine de protection. Il y en avait dans le nombre d'assez mal vêtus, d'autres qui ne paraissaient pas merveilleusement élevés ; mais déjà tous, dans la crainte d'être confondus avec des non-nobles, avaient ressaisi la vieille épée ou le couteau de chasse, car les deux ornements étaient également admis à la cour de Châteauvillain. Ensuite, M. de Penthièvre poussait les attentions jusqu'à la recherche pour les nouveaux venus. Cette figure d'une sérénité si touchante, le son de sa voix, le maintien, tout était en accord chez ce prince pour exprimer la plus haute et la plus aimable vertu. On y reconnaissait un dernier reste du temps de Louis XIV, qui nous avait, il est vrai, été transmis par les grâces, mais que la religion avait sanctifiée. On ne pouvait pas trop payer le plaisir de jouir, même pour quelques instants, de sa douce présence. Cependant, tout ce qui n'était pas noble ne se présentait à Châteauvillain que s'il dépendait du prince ou s'il avait quelque grâce à en solliciter. J'y avais été une fois dans ce dessein, non pas cependant pour un intérêt qui me fût personnel. Je ne pouvais assurément que me louer de la réception qui m'y avait été faite ; toutefois, je n'avais nul désir d'y retourner."

Source : Mémoires du comte Beugnot 1779-1815, éd. Hachette, 1959, p.65-66.

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