Jacques Claude, comte Beugnot (1761-1835), portrait daté de 1820, extrait de la Biographie pittoresque des députés, Paris, 1820.
Portrait de Louis Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725-1793), huile sur toile, 146 × 114 cm, localisation inconnue.
La tradition des leçons de la royale institutrice s'était gardée dans cette branche détournée de la famille de Louis XIV. Elle n'était pas encore perdue pour la vertueuse famille de M. le duc de Penthièvre, qui, facile dans le commerce de la vie, n'en affectait pas moins sur certains points des prétentions exagérées, sans vouloir reconnaître qu'elles n'étaient plus du tout de saison. Lorsqu'on se présentait à Châteauvillain, le matin, pour faire sa cour, on sollicitait cet honneur par un des gentilshommes du prince, et il était accordé pour le même jour, au sortir de la messe. Le prince accueillait avec une égale et douce bonté tous ceux qui lui étaient présentés.
Les nobles étaient invités à dîner avec lui, les autres chez son gentilhomme. MM. du Hausier et de Florian [l'auteur des Fables], qui en remplissaient tour à tour les fonctions, étaient deux modèles de la plus gracieuse urbanité. Après le dîner du premier gentilhomme, on proposait ou de prendre le café chez lui ou d'aller le prendre avec le prince. On passait au salon, où se trouvaient, en force et le ton haut, ceux qui avaient eu l'honneur de dîner avec Son Altesse. Ils ne manquaient pas de saluer les arrivants avec une complaisance pleine de protection. Il y en avait dans le nombre d'assez mal vêtus, d'autres qui ne paraissaient pas merveilleusement élevés ; mais déjà tous, dans la crainte d'être confondus avec des non-nobles, avaient ressaisi la vieille épée ou le couteau de chasse, car les deux ornements étaient également admis à la cour de Châteauvillain. Ensuite, M. de Penthièvre poussait les attentions jusqu'à la recherche pour les nouveaux venus. Cette figure d'une sérénité si touchante, le son de sa voix, le maintien, tout était en accord chez ce prince pour exprimer la plus haute et la plus aimable vertu. On y reconnaissait un dernier reste du temps de Louis XIV, qui nous avait, il est vrai, été transmis par les grâces, mais que la religion avait sanctifiée. On ne pouvait pas trop payer le plaisir de jouir, même pour quelques instants, de sa douce présence. Cependant, tout ce qui n'était pas noble ne se présentait à Châteauvillain que s'il dépendait du prince ou s'il avait quelque grâce à en solliciter. J'y avais été une fois dans ce dessein, non pas cependant pour un intérêt qui me fût personnel. Je ne pouvais assurément que me louer de la réception qui m'y avait été faite ; toutefois, je n'avais nul désir d'y retourner."
Source : Mémoires du comte Beugnot 1779-1815, éd. Hachette, 1959, p.65-66.
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