lundi 18 février 2013

Seuls les Jacobins et les autres clubs favorables à une révolution radicale avaient le droit de former des clubs, de se rassembler, malgré un décret de la Constitution.

Portrait de Victor Pierre Malouet (1740-1814), dessiné par Jean-Urbain Guérin (1760-1836) et gravé par Franz-Gabriel Fiesinger (1723-1807).

"Il s'était formé un nouveau club sous le titre de "Amis de la constitution monarchique", dont étaient MM. Malouet, de Clermont-Tonnerre, de Virieu, et plusieurs autres personnes qui professaient les mêmes opinions. Ils avaient eu la précaution d'en prévenir le maire et le commandant de Paris, et commencèrent ensuite leurs séances. Comme beaucoup de personnes se disposaient à les joindre, les Jacobins, effrayés, résolurent d'attaquer le club par tous les moyens qu'ils avaient en leur pouvoir. Ils leur donnèrent d'abord le nom d'impudents monarchiens. Profitant ensuite de l'imprudence qu'ils avaient faite de donner aux pauvres du pain au-dessous de la taxe de la ville, ils les accusèrent de chercher à corrompre le peuple, et le club reçut l'ordre d'interrompre ses séances jusqu'à ce qu'il plût à M. Cayer de Gerville, procureur de la commune, d'instruire son procès, conformément à l'ordre que lui en avait donné la section de l'Oratoire. La société s'y soumit, mais en protestant et demandant justice contre une pareille violation de la Constitution 1. Plusieurs sociétés du même genre qui s'étaient formées à Grenoble et dans d'autres villes du royaume furent également forcées de se dissoudre, comme étant contraires à la liberté ! Les Jacobins seuls avaient le droit d'en former de semblables, et chaque crime ou acte de violence de leur part était toujours excusé, sous le prétexte de déjouer un projet de contre-révolution.

Portrait de François-Henri, comte de Virieu (1754-1793), en 1789.

On permit, quelque temps après, de rouvrir le club monarchique ; mais les Jacobins, pour en effrayer les membres, organisèrent un attroupement qui menaça d'incendier la maison de M. de Clermont-Tonnerre. Il en fut averti, quitta sur-le-champs l'Assemblée, et parvint par sa fermeté à dissiper l'attroupement. M. Bailly, qui n'arrivait jamais qu'à la fin des tumultes, et qui adoucissait toutes les violences des stipendiés des Jacobins, vint assurer l'Assemblée que le rassemblement était peu de chose, et même déjà calmé au moment de son arrivée. Si le peuple eût été aussi facile à soulever qu'au commencement de la Révolution, M. Malouet, menacé violemment en venant au secours de M. de Clermont-Tonnerre, aurait été mis en pièce ; mais il commençait heureusement à se fatiguer des insurrections, qui n'étaient plus formées que par les stipendiés des Jacobins. MM. Victor de Broglie, Alexandre de Lameth et de Beauharnais, qui redoutaient l'établissement du club monarchique, se permirent contre lui les déclamations les plus violentes, dans les séances des Jacobins. Barnave, qui ne perdait pas une occasion de saper les fondements de la monarchie en détruisant tous ses soutiens, les seconda, et ils intimidèrent tellement les locataires de leur salon, qu'aucun n'osa les recevoir, et cette société ne put jamais parvenir à s'établir.

Portrait de Stanislas Marie Adelaïde, comte de Clermont-Tonnerre (1757-1792).

1. Plusieurs décrets et particulièrement l'un du 30 novembre [1791], sollicités par les mêmes Jacobins reconnaissent aux citoyens le droits de se réunir pour conférer des affaires publiques, et encore plus, le droit aux sociétés de s'affilier entre-elles. "

Source : Mémoires de Madame de Tourzel, gouvernante des enfants de France de 1789 à 1795, éd. Mercure de France, le Temps retrouvé, 1969 et 1986, p.201-203.

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