dimanche 17 février 2013

Discours du 4 février 1790 de Louis XVI devant l'Assemblée.

Allégorie à Louis XVI et à la Constitution, estampe d'Augustin de Saint-Aubin  (1736-1807), Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (Hauteur : 0,265 m ; Longueur : 0,197 m. N° d'inventaire : LP83-10).

"Le Roi, qui n'avait en vue que le bonheur de la France, et qui croyait ce plan propre à ramener les esprits, si chacun voulait consentir à quelques sacrifices pour ramener la paix et la concorde, se décida, par l'avis de ses ministres, à tenter vis-à-vis de l'Assemblée une démarche qu'il croyait propre à remplir ce but. Il s'y rendit en personne le 4 février, et déclara que la gravité des circonstances le conduisait au milieu d'elle, pour lui représenter  le danger imminent qu'il y avait à laisser affaiblir chaque jour l'ordre et la subordination, celui qu'entraînaient la suspension et l'inactivité de la justice, la situation critique des finances et l'incertitude sur la fortune publique. Il ajouta que tout se réunissant pour inquiéter les amis de l'ordre et de la prospérité du royaume, il était temps de mettre un terme à tant de maux.
Le discours du Roi peignait tellement sa bonté et son amour pour son peuple, que je ne puis me refuser à en en donner un extrait :
"Messieurs, leur dit ce bon prince, un grand but se présente à nos regards ; mais il faut l'atteindre sans accroissement de troubles et de convulsions. J'ai tout tenté pour vous donner les moyens d'y parvenir, et malgré les circonstances difficiles et affligeantes où je me suis trouvé, je n'ai rien négligé pour contribuer  au bonheur du peuple. Je ferai, comme j'ai déjà fait, tous les sacrifices nécessaires pour y parvenir ; mais il faut que nous nous secondions mutuellement. Un intérêt commun doit réunir aujourd'hui tous les citoyens, pour ne  mettre aucun obstacle à terminer la Constitution ; le temps réformera ce qu'elle peut avoir de défectueux ; mais toute entreprise qui tendrait à la renverser ne pourrait avoir que des suites funestes.
Mettez fin aux inquiétudes qui éloignent de la France un si grand nombre de citoyens, et dont l'effet contraste avec la liberté que vous voulez établir.
J'aime à croire que les Français reconnaîtront un jour l'avantage de la suppression d'ordres et d'états, tant qu'il sera question de travailler en commun au bien public ; mais je pense, en même temps, que rien ne peut détruire tout ce qui tend à rappeler à une nation l'ancienneté et la continuité des services d'une race honorée, non plus que le respect dû aux ministres d'une religion que tous les citoyens ont un égal intérêt à maintenir et à défendre.
Je ne puis vous dissimuler les pertes qu'ont faites ceux qui ont abandonné leurs privilèges pécunieux, et qui ne font plus d'ordre politique dans l'Etat : mais ils ont assez de générosité pour se trouver dédommagés, si la nation se trouve heureuse de leurs sacrifices. J'en aurais aussi beaucoup à compter, si je m'occupais de mes pertes personnelles ; mais j'y trouverai une pleine compensation quand je serai témoin du bonheur du peuple.

Trait d'humanité de Louis XVI, le Roi distribuant des aumônes aux habitants de Versailles pendant l'hiver 1784 (En février 1784, Louis XVI, se trouvant près de Versailles, visite une famille de paysans malheureux et lui donne la bourse qu'il a sur lui), huile sur toile peinte en 1785 par le peintre et graveur Philibert-Louis Debucourt (1755-1832), Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (Hauteur : 0.615 m ; Longueur : 0,829 m. N° d'inventaire : MV7896).

Je maintiendrai la liberté constitutionnelle dont le vœu général a consacré les principes, et, de concert avec la Reine, je préparerai de bonne heure le cœur et l'esprit de mon fils au nouvel ordre de choses qui s'établit, et je l'accoutumerai, dès ses premiers ans, à être heureux du bonheur des Français.
Je ne mets pas en doute que vous ne vous occupiez d'affermir le pouvoir exécutif, sans lequel il ne peut y avoir aucune sûreté au-dedans et au-dehors, et que vous ne perdrez pas de vue que la confusion des pouvoirs dégénère bientôt dans la plus dangereuse des tyrannies.
Vous considérerez tout ce qu'exige un royaume tel que la France, par son étendue, sa population, ses  relations extérieures, et vous ne négligerez pas de fixer votre attention sur le caractère et les habitudes du peuple français, pour ne point altérer, mais entretenir, au contraire, les sentiments de douceur, de confiance et de bonté qui lui ont valu tant de renommée et de considération ; donnez-lui l'exemple de la justice qui sert de sauvegarde à la propriété, et qui est si nécessaire à l'ordre social.
Joignez-vous à moi pour empêcher les violences criminelles et les excès qui se commettent dans les provinces ; et vous, Messieurs, qui pouvez par tant de moyens influer sur la confiance publique, éclairez ce bon peuple qui m'est si cher, et dont on me dit que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines. Ah ! s'il savait combien je suis malheureux quand j'apprends qu'il s'est commis quelque attentat contre les personnes et les propriétés, il m'épargnerait cette douloureuse amertume ; il est temps de faire cesser toute inquiétude, et de rendre au royaume toute la force et le crédit auquel il peut attendre.
Puisse cette journée, où votre Monarque vient s'unir à vous de la manière la plus franche et la plus intime, être un signal de paix et de rapprochement ; que ceux qui s'éloignent de cet esprit de paix et de concorde me fassent le sacrifice de tout ce qui les afflige, et je les payerai de la plus profonde reconnaissance. Ne professons tous, à compter de ce jour, qu'un seul sentiment : l'attachement à la Constitution, et le désir ardent de la paix et de la prospérité de la France.""

Source : Mémoires de la duchesse de Tourzel, gouvernante des enfants de France de 1789 à 1795, éd. Mercure de France, le Temps retrouvé, 1969 et 1986, p.59-62.

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