samedi 18 janvier 2014

Portrait de la comtesse de Castiglione (1837-1899) par la princesse de Metternich (1836-1921).



La Dame de Cœurs (la comtesse de Castiglione habillée en Dame de Cœurs debout devant une boiserie), 1861-1863.
Épreuve sur papier albuminé de Pierre Louis Pierson (1822-1913),
(n° d'inventaire : 2005.100.404. H. : 105 cm ; L. : 74 cm. Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art).

Mondaine se jouant des règles du même nom, car favorite de l'Empereur, elle se rend coupable d'une "insolence inouïe" en faisant "son entrée au bal [de la Cour] vers minuit, alors qu'il fallait être rendu aux Tuileries à 9h et demi !", se souvient la princesse de Metternich, personnalité originale dont le marie était ambassadeur d'Autriche auprès de Napoléon III, piquée de ne lui avoir jamais été présenté, mais incapable de taire son admiration. La description précieuse et détaillée qu'elle donne de sa première impression de la comtesse offre un condensé du personnage qui allie la liberté de la tenue et de la coiffure au maintien le plus compassé et figé. Elle exprime aussi un sentiment mitigé qui combine la fascination pour sa perfection physique et le malaise suscité par sa froideur affichée. Dans ce blason qui convoque la mythologie, la Castiglione, madone de Vénus, divine et païenne, merveille de la nature et œuvre d'art incarnée, tient à la fois de la nymphe, de la déesse et de la méduse, sa beauté possède la pérennité du marbre mais aussi la fragilité du transitoire - caractéristique principale de la modernité selon Beaudelaire :

"J'avoue être restée pétrifiée devant ce miracle de beauté ! Elle était vêtue d'une robe en tulle blanc recouverte de grosses roses à longues tiges, et ne portait comme coiffure que ses admirables cheveux tournés en grosses tresses sur sa tête et formant diadème. Sa taille était celle d'une nymphe. Son cou, ses épaules, ses bras, ses mains - elle n'avait pas mis ses gants qu'elle tenait à la main - semblaient sculptés dans du marbre rose ! Le décolletage, quoique excessif, ne paraissait pas indécent, tant cette superbe créature ressemblait à une statue antique ! La figure était à l'avenant. Un ovale délicieux, un teint d'une fraîcheur incomparable, les yeux vert foncé et tout veloutés, surmontés de sourcils qu'on aurait cru être tracés par le pinceau d'un miniaturiste, un petit nez à la Roxelane mutin et cependant d'une régularité absolue, des dents de perle. En un mot, Vénus descendue de l'Olympe ! Jamais je n'ai vu de beauté pareille, jamais je n'en reverrai plus comme celle-là.
La perfection n'étant hélas ! pas de ce monde, il manquait à la comtesse de Castiglione une chose essentielle, et cette chose était le charme ! Elle semblait tellement imbue de sa triomphante beauté, elle en était si uniquement occupée, qu'au bout de quelques instants après qu'on l'avait bien dévisagée, elle vous donnait sur les nerfs. Pas un mouvement, pas un geste, rien qui ne fût étudié ! Si elle avait été simple et naturelle, elle aurait bouleversé le monde, car je crois qu'elle aurait subjugué l'univers entier, tandis qu'on allait la regarder et l'admirer et qu'on la quittait écœuré de tant de pose et de vanité. Excepté l'empereur, je ne sache personne qui lui ait voué une admiration particulière. Fort peu aimable pour les femmes, Mme de Castiglione ne parlait qu'aux hommes."

Tous les témoignages concordent et le reproche d'être belle mais dépourvue du charme qui anime et transcende la beauté revient sous la plume des chroniqueurs, historiens et autres témoins du temps [...].

Portrait de la Princesse Pauline de Metternich (1836-1921), huile sur toile réalisée en 1860 par
Franz Xaver Winterhalter (1805-1873).

Source : Nicole G. Albert, La Castiglione, vies et métamorphoses, éd. Perrin, 2011, p.73-75.

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