lundi 14 janvier 2013

Louis-Philippe 1er, Rois des Français, possédait au plus haut degré l'esprit de repartie, d'après les souvenirs d'un de ses fils le Prince de Joinville.

Louis-Philippe Ier, roi des Français (1773-1850), représenté en 1833 en uniforme de lieutenant général devant son trône, prête serment la main posée sur la Charte de 1830, par François Pascal Simon, baron Gérard, (1770-1837), Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (huile sur toile. Hauteur : 2,220 m ,Longueur : 1,560 m. N° d'inventaire : MV5210).

"Le cours de mes études ne fut plus interrompu que par un voyage que le Roi fit en Normandie, où je l'accompagnai. Le but officiel du voyage était de passer en revue, à Cherbourg, l'escadre qui avait opéré dans la mer du Nord, de concert avec l'escadre anglaise, pendant le règlement de la question belge, mais le but principal était de parcourir les départements de Normandie et de se mettre en rapport avec les braves populations.
Ce voyage fut fertile en incidents. Le premier survint à Bernay, la ville du vertueux Dupont de l'Eure, un de ces vertueux qui vous feraient vertueusement couper la tête, plutôt que de renoncer à la moindre parcelle de leurs utopies populacières. Le préfet, M. Passy, avait averti le Roi que parmi les discours qui lui seraient adressés à son arrivée, il s'en trouverait un où on lui ferait la leçon. Ainsi prévenus, nous arrivons, et montés sur une estrade en plein vent, surmontée d'un dôme de verdure, la réception et les discours commencent. Rien de particulier d'abord, enfin un président de tribunal s'avance et je vois tout de suite à la manière dont il salue, à son air pincé et à la curiosité avec laquelle toutes les têtes tendent l'oreille que le Roi va recevoir la leçon annoncée. Elle arrive, en effet, très étudiées, très impertinente ; tout le monde écoute en silence ; il y est question de courtisans, de danger d'écouter les flatteurs, etc., etc.

Louis-Philippe et sa famille, par Théophile-Evariste-Hippolyte Fragonard (1806-1876), château de Compiègne (lithographie. Hauteur : 0,420 m , Longueur : 0,563 m. N° d'inventaire : C2006.0.121).

Au moment où elle se termine, les têtes de M. le président et de ses amis se relèvent avec un petit air d'"attrape mon bonhomme".
Le Roi répond alors avec la plus grande politesse, "remerciant M. le président des conseils qu'il veut bien lui donner. Flatteurs et courtisans ont fait bien du mal en effet, et la race n'en est malheureusement pas éteinte, car nous avons aujourd'hui des courtisans bien plus dangereux que les flatteurs des rois et des princes, ce sont les courtisans et les flatteurs du peuple, qui, pour acheter une vaine et misérable popularité, lui suggèrent pour son malheur des rêves irréalisables, etc., etc."
Sur ce thème, mon père décoche une raclée bien appliquée, interrompue à chaque instant par des acclamations contagieuses, si bien que ce brave président ne savait plus où se fourrer.
Mon père, entre autres qualités éminemment françaises, possédait au plus haut degré l'esprit de repartie. Il a toujours su s'en servir, mais avec une politesse et une bonhomie qui émoussaient ce que la pointe avait de trop sensible. Cette fois-ci le coup avait bien porté."

Source : Vieux souvenirs de Mgr le Prince de Joinville 1818-1848, éd. Mercure de France, le Temps retrouvé, 1970, p.60-61.

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