L'Autel Royal : groupe allégorique à l'avènement et au sacre de Louis XVI et à Marie-Antoinette. Louis XVI et
Marie-Antoinette couronnés, habillés à la franque, drapés des manteaux
royaux, unissant leurs mains sur un globe fleurdelysé reposant sur un
petit autel portant l'inscription en lettres dorées " Au bonheur public
". Socle décoré des initiales de Louis XVI, de l'aigle d'Autriche, de
fleurs de lys radiées et de guirlandes et portant deux cornes
d'abondance. D'après Simon Louis Boizot (1743-1809). Biscuit en céramique, réalisé en 1775, de la manufacture de Sèvres. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (hauteur : 0,420 m ; n° d'inventaire : MV7783).
"Aujourd'hui vingt-cinquième jour de décembre mil sept cent quatre-vingt-douze, moi, Louis XVI du nom, Roi de
France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille
dans la Tour du Temple, à Paris, par ceux qui étoient mes sujets,
et privé de toute communication quelconque, même depuis le 11 du
courant, avec ma famille ; de plus, impliqué dans un procès dont il
est impossible de prévoir l'issue, à cause des passions des hommes, et dont
on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse
m'adresser : je déclare ici, en sa présence, mes dernières volontés et
mes sentimens.
Je laisse mon âme à Dieu mon créateur ; je le prie de la
recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de notre Seigneur Jésus-Christ qui s'est offert en
sacrifice à Dieu son père pour nous autres hommes, quelque indignes que nous
en fussions, et moi le premier.
Je meurs dans l'union de notre sainte mère l'église
catholique, apostolique et romaine, qui tient ses pouvoirs par une
succession non interrompue de saint Pierre, auquel Jesus-Christ les avoit
confiés.
Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu
dans le symhole et les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les
sacremens et les mystères, tels que l'église catholique les enseigne
et les a toujours enseignés. Je n'ai jamais prétendu me rendre juge dans les
différentes manières d'expliquer les dogmes qui déchirent l'église de Jésus-Christ, mais je m'en suis rapporté et rapporterai
toujours, si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs
ecclésiastiques, unis à la sainte église catholique, donnent et donneront
conformément à la discipline de l'Eglise, suivie depuis Jésus-Christ.
Je plains de tout mon cœur nos frères qui peuvent être
dans l'erreur ; mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime
pas moins en Jésus-Christ, suivant ce que la charité
chrétienne nous enseigne. Je prie Dieu de me pardonner tons mes péchés; j'ai
cherché à les connoître scrupuleusement, à les délester, et à
m'humilier en sa présence. Ne pouvant me servir du ministère d'un prêtre
catholique, je prie Dieu de recevoir, la confession que je lui en ai
faite, et surtout le repentir profond que j'ai d'avoir mis mon nom
(quoique cela fût contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l'église catholique, à laquelle j'ai
toujours été sincèrement uni de cœur. Je prie Dieu de recevoir la ferme
résolution où je suis, s'il m'accorde vie, de me servir, aussitôt que
je le pourrai, du ministère d'un prêtre catholique, pour m'accuser
de tous mes péchés, et recevoir le sacrement de pénitence.
Projet d'un monument à élever à Louis XVI à Paris. Sur l'initiative de De Varenne, huissier d'honneur de l'Assemblée nationale en 1790. Estampe en couleur de Jean François Janinet (1752-1814), d'après Jean-Michel Moreau Jean Michel, le Jeune (1741-1814). Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (Hauteur : 0,430 m ; Longueur : 0,360 m. N° d'inventaire : invgravures666).
Je prie tous ceux que je pourrois avoir offensés par
inadvertance car je ne me rappelle d'avoir fait sciemment aucune offense à personne, ou ceux à qui j'aurois pu avoir donné de mauvais exemples ou
des scandales, de me pardonner le mal qu'ils croient que je
peux leur avoir fait : je prie tous ceux qui ont de la charité d'unir
leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.
Je pardonne de tout mon cœur à ceux qui se sont faits mes ennenis, sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu
de leur pardonner de même qu'à ceux qui par un faux zèle ou par un
zèle mal entendu , m'ont fait beaucoup de mal.
Je recommande à Dieu ma femme et mes enfans, ma sœur,
mes tantes, mes frères et tous ceux qui me sont attachés par le
lien du sang ou par quelqu'autre manière que ce puisse être ; je prie
Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma
femme, mes enfans et ma sœur, qui souffrent depuis long-temps avec
moi, de les soutenir par sa grâce, s'ils viennent à me perdre, et tant
qu'ils resteront dans ce monde périssable.
Je recommande mes enfans à ma femme ; je n'ai jamais douté
de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout
d'en faire de bons chrétiens et d'honnêtes hommes, de ne leur faire
regarder les grandeurs de ce monde-ci (s'ils sont condamnés à les
éprouver), que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner
leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l'éternité ; je prie
ma sœur de vouloir continuer sa tendresse à mes enfans et de leur tenir
lieu de mère, s'ils avoient le malheur de perdre la leur.
Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle
souffre pour moi, et les chagrins que je pourrois lui avoir donnés
dans le cours de notre union ; comme elle peut être sûre que je ne
garde rien contre elle, si elle croyoit avoir quelque chose à se
reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfans, après ce qu'ils
doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis
entre eux, soumis et obéissans à leur mère, et reconnoissans de tous
les soins et les peines qu'elle se donne pour eux, et en mémoire de moi.
Je les prie de regarder ma sœur comme une seconde mère.
Je recommande à mon fils, s'il avoit le malheur de devenir
Roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses
concitoyens ; qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et
nommément ce qui a rapport aux malheurs et chagrins que j'éprouve ; qu'il
ne peut faire le bonheur des peuples, qu'en régnant suivant les lois,
mais en même temps qu'un Roi ne peut les faire respecter, et faire
le bien qui est dans son cœur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire, et qu'autrement étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de
respect, il est plus nuisible qu'utile.
Je recommande à mon fils d'avoir soin de toutes les
personnes qui m'étoient attachées, autant que les circonstances où il
se trouvera lui en donneront les facultés ; de songer que c'est une dette
sacrée que j'ai contractée envers les enfans ou les parens de ceux qui
ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi.
Louis XVI, roi de France et de Navarre (1754-1793) entouré des figures
assises de la Justice, de la Piété, de la Bienfaisance et de la
Modération. Sculpture en marbre et en plâtre de Jean-Pierre Cortot (1787-1843). Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (Hauteur : 4,700 m ; Longueur : 2,240 m ; Profondeur : 2.240 m. N° d'inventaire : MV1355).
Je sais qu'il y a plusieurs personnes de celles qui
m'étoient attachées qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le
devoient, et qui ont même montré de l'ingratitude, mais je leur
pardonne (souvent dans les momens de trouble et d'effervescence, on n'est pas le maître de soi), et je prie mon fils, s'il en
trouve l'occasion, de ne songer qu'à leur malheur.
Je voudrois pouvoir témoigner ici ma reconnoissance à ceux
qui m'ont montré un attachement véritable et désintéressé ; d'un
côté, si été j'ai sensiblement touché de l'ingratitude et de la déloyauté des
gens à qui je n'avois jamais témoigné que des bontés, à eux ou à
leurs parens ou amis ; de l'autre, j'ai eu de la consolation à voir l'attachement et 1'intérêt gratuit que beaucoup de personnes m'ont montré ;
je les prie d'en recevoir tous mes remercîmens. Dans la situation
où sont encore les choses, je craindrois de les comprometre si je
parlois plus explicitement ; mais je recommande spécialement à mon
fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnoître.
Je croirois calomnier cependant les sentimens de la
nation, si je ne recommandois ouvertement à mon fils MM. de Chamilly et
Huë, que leur véritable attachement pour moi avoit portés à
s'enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les
malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Clery, des soins duquel
j'ai eu tout lieu de me louer depuis qu'il est avec moi ; comme c'est lui
qui est
resté avec moi jusqu'à la fin, je prie messieurs de la
commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse,
et les autres petits effets qui ont été déposés au conseil de
la commune.
Je pardonne encore très-volontiers à ceux qui me gardoient
les mauvais traitemens et les gênes dont ils ont cru devoir user
envers moi ; j'ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes ; que
celles-là jouissent de la tranquillité que doit leur donner leur façon
de penser !
Je prie MM. de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de
recevoir ici tous mes remercîmens, et l'expression de ma sensibilité,
pour tous les soins qu'ils se sont donnés pour moi.
Je finis en déclarant devant Dieu, et prêt à paroître
devant lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés
contre moi.
Fait double à la tour du Temple, le vingt-cinq décembre
mil sept cent quatre-vingt-douze.
Signé LOUIS."
Source : Testament de notre bon roi Louis XVI (25 décembre 1792), de l'imprimerie de Mame frères, rue du Pôt-de-Fer , n°14.
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